« Je voudrais vous parler de ma ville créole, de ses rues droites et perpendiculaires, et de ses maisons qu'on ne construit plus de nos jours. Je voudrais vous parler de l'ambiance animée qui régnait, et règne encore dans centaines maisons, dont les sons atteignent la rue. Je voudrais vous parler de ce qui transpirait des maisons jusqu'à toucher le sol du trottoir, prolongation parfois du salon ou de la galerie trop petite et trop chaude à certaines heures. Ma ville créole change un peu plus chaque année. Ce n'est pas toujours en mieux, mais ce n'est pas toujours en pire. On m'a dit que c'était l'évolution, mais même si c'est cela, je regrette certaines choses comme les balcons, les galeries, les impostes, ou simplement les auvents que je ne vois plus, ou si peu, dans les maisons d'aujourd’hui.

Ma ville créole a été tracée au cordeau : ses rues sont droites et coupées régulièrement à angle droit par d'autres. C'est un quadrillage, un tissu à trame où les rues sont les gros fils groupés et d'une couleur, et les îlots, contenant des maisons construites sur le pourtour d'un rectangle, sont les carrés de fils plus fins d'une autre couleur. Le vent circule dans les rues orientées vers le lever du soleil. La mer n'est pas loin et de nombreuses rues y aboutissent. »

Myrtho et Rémi Auburtin