Dans notre économie moderne où les choix se fondent sur la rentabilité, le bois, au même titre que l'eau, est devenu l'emblème des matières pre­mières renouvelables dont l'usage doit être étroitement calculé afin que sa consommation reste adaptée à son rythme de reconstitution. Durant des millénaires, le bois a servi à la cons­truction de maisons, de chariots et de navires, aux fondations des ouvrages de pierre, à la réalisation de meubles et d'objets d'emploi courant. Il consti­tuait en outre l'unique source de chauffage et d'énergie.
(...) Si le bois destiné à la construction des maisons n'était qu'un matériau, au même titre que le béton, le fer, la brique ou le verre, cette exposition aurait eu pour titre «Maisons en bois» ... et aurait été présentée dans une foire industrielle ou commerciale. Mais par sa texture qui flatte le toucher et résiste à l'outil ou à la machine, par les vais­seaux qui le pénètrent, par le dessin infiniment varié de ses veinures, par la gamme aux couleurs inimitables de ses essences, par la spécificité des techniques d'emploi qu'impose cha­cune d'entre elles, le bois affirme que la nature garde sa primauté dans notre univers mécanisé. Les instruments d'orchestre consti­tuant l'harmonie ne portent-ils pas le nom de «bois», même s'ils sont en métal (tels les saxophones et certaines flûtes), simplement parce qu'ils uti­lisent le souffle humain, facteur naturel ?
Les «maisons de bois» ont leur odeur, celle d'un produit naturel qui réagit à la température intérieure plus qu'extérieure et sert avec bonheur de support aux vernis et aux cires. Elles ont leurs résonances, feutrées ou sonores, leur souplesse suivant l'épaisseur de leurs murs, de leurs planchers, de leurs escaliers. Toutes les sensations s'entremêlent de façon journalière, imprévisible et contri­buent à un art d'habiter que beaucoup d'entre nous aspirent à retrouver au carrefour de la tradition et de la modernité : il permet d'y apporter, plus que dans tout autre maison, la marque fantasque de sa personnalité en réalisant la symbiose du paysage, du matériau et de la vie. «Si l'ordre est le plaisir de la raison, disait Paul Claudel, le désordre est le délice de l'imagination.»