Préoccupés par les graves problèmes économiques, politiques et sociaux que pose à notre société l'existence de quartiers dits "en difficulté" dans les villes grandes ou moyennes, nous avons parfois tendance à oublier d'autres aspects de la révolution urbaine que vit la France à l'heure actuelle. Celle-ci ne résulte pas, comme la précédente, de l'industrialisation exigeant de vastes constructions "en dur" et de grandes concentrations humaines, mais du dépassement de ce processus sous l'effet du progrès des télécommunications et des biotechnologies. Dans ce monde qui émerge, laissant sur le carreau une partie de la population et les politiques relativement désemparés, la distinction classique ville/campagne tend à s'estomper. Ce qui ne veut pas dire que les campagnes de notre vieux pays soient condamnées à devenir friches ou parcs naturels : elles ont au contraire un riche avenir pour peu qu'elles choisissent de produire et de promouvoir la qualité contre la quantité. Il n'en demeure pas moins qu'elles ne sont déjà plus ce qu'elles étaient : ayant perdu leur autonomie en matière de gestion comme en ce qui concerne la spécificité de leurs modes de vie, elles sont aujourd'hui absorbées dans l'espace-temps artificiel propre à la civilisation urbaine.

Dans ces conditions d'unification différenciée du territoire des pathologies inédites affectent le nouvel espace rural. Trois d'entre elles s'attaquent plus spécifiquement aux agglomérations : la fabrication d'entrées livrées aux zones commerciales, aux ronds-points et à l'affichage publicitaire ; la désertification des centres transformés de plus en plus en vitrines touristiques ; et le "mitage" des périphéries par des lotissements pavillonnaires. Ayant choisi trois communes de taille et de sites différents le CAUE de Seine-et-Marne a proposé à l’équipe d’architectes et de paysagistes de réfléchir à la question suivante : comment, sur la base d'une analyse architecturale, morphologique et paysagère de chacune de ces communes, y implanter un programme de dix-huit logements comportant des jardins privés et des parties communes, elles-mêmes compatibles avec les servitudes d'une bonne gestion de l'espace public ? Autrement dit : comment concevoir une contribution contemporaine au patrimoine urbain de ces communes, assez inventive et réaliste pour servir d'exemple critique vis à vis des lotissements médiocres habituels - lesquels ne doivent leurs sites, la plupart du temps, qu'à des opportunités foncières, et leur bâti qu'aux constructions de maisons de série dites par antiphrase "traditionnelles" ?