La génération qui nous a précédé dans les constructions utilitaires des premiers temps de la révolution industrielle la préfiguration de son idéal architectural où l'élément fonctionnel serait aussi discriminant esthétique. Notre génération, qui vient découvrir l'archéologie industrielle, jette sur ces même témoignages un tout autre regard plus proche - consciemment ou non - des romantiques, voire des ruinistes, même si elle croit encore devoir assumer l'héritage de la "tradition fonctionnelle". Lille-Roubaix-Tourcoing, la métropole "aux mille cheminées" comme on la dénommait fièrement à l'époque où l'enthousiasme industriel battait son plein, offre un terrain d'étude privilégié ; des centaines de bâtiments illustrent l'évolution constructive des usines pendant un siècle et demi. Au temps de Napoléon III on y regrettait que la ville soit trop pauvre en monuments. Voilà certes un jugement à réviser, car non seulement nous regardons aujourd'hui le siècle de l’industrialisme avec l'objectivité plus grande du recul historique, mais encore nous sommes amenés par le XIXe siècle à reconsidérer ce qui semblait constituer les acquis du XXe. Plus que d'autres les constructions industrielles doivent avoir une utilité certaines avant d'être l'objet de préoccupations esthétiques.