Combiner la notion de villa à celle de domination semble, pour le lecteur non préparé, relever davantage de la provocation que de l'énoncé scientifique ; cela paraît être l'aboutissement d'un parti pris qui s'acharnerait à démasquer partout, même dans l'objet le plus innocent, une idéologie mise en œuvre. En effet, ne faut-il pas être presque de mauvaise foi pour trouver dans la villa, ce lieu de repos et de retraite festive, des traits de domination ? Les auteurs sont conscients de leur position inconfortable et n'ont rien fait pour se faciliter la tâche. Leur démarche est convaincante parce qu'ils jouent cartes sur table et qu'ils donnent l'impression de découvrir, au fur et à mesure du développement de leur étude, que le phénomène de la villa, en tant que phénomène esthétique, ne peut être interprété valablement qu'en termes socio-politiques. Ils montrent d'une manière concrète et minutieusement argumentée comment la villa vénitienne, du XVI0 au XVIIIème siècle, est l'expression raffinée d'un nouveau système de domination. En étendant leur analyse jusqu'à notre époque, les auteurs se sont peut-être laissés entraîner par la dynamique même de leur recherche, mais cela n'empêche pas que, dans ces passages un peu schématiques, le livre reste d'une lecture stimulante. Les auteurs tentent de renouveler les méthodes traditionnelles de l'histoire de l'art et de l'architecture afin que se dégage une compréhension plus profonde de ses possibilités. On ne peut désormais étudier l'architecture, historique aussi bien qu'actuelle, en négligeant l'interprétation que Bentmann et Müller en ont donnée.